Comment délaisser un emplacement réservé sur un terrain

Nous avons vu ce qu’était un Emplacement Réservé (ER), qui pouvait le créer, comment et pourquoi.
Nous allons maintenant nous attarder sur les conséquences d’un emplacement réservé et sur les différentes façons de supprimer cet emplacement. Hé oui, bonne nouvelle, un emplacement réservé est certes une servitude, mais elle peut disparaître et même mieux : vous, heureux propriétaire terrien avec un ER, pouvez déclencher les procédures qui vont vous libérer de cette servitude.
On vous explique tout !

Les conséquences d’un emplacement réservé

Les conséquences d’un emplacement réservé sont loin d’être neutres : constructibilité, emprise au sol, les impacts sont nombreux et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il doit impérativement figurer dans l’acte de cession et même, dès le compromis de vente.

Sur la constructibilité du terrain

Un emplacement réservé n’est pas totalement inconstructible. Mais sa constructibilité est sévèrement encadrée et ne laisse que peu de marge de manœuvre.
Si vous avez un emplacement réservé sur votre terrain et que vous vous posez la question d’un dépôt de permis de construire sur cette zone, voici ce que vous pouvez construire :

  • Une construction précaire
    Une construction précaire est un ouvrage provisoire, temporaire, non définitif qui doit être léger et facilement démontable. Exemples : piscine hors sol, transat, petit potager, cabane de jardin sans dalle, clôtures etc.
  • Une construction conforme à la destination
    Le PLU précise la destination d’un emplacement réservé.
    Il peut même détailler la catégorie de logement autorisée, ainsi que le pourcentage minimum de surface affecté à la réalisation de logements sociaux par exemple. Donc soit vous répondez parfaitement à l’objet même de la réservation de cet emplacement et dans ce cas le permis de construire sera automatiquement accordé, soit il vous sera refusé.
  • Une construction conforme à la destination + une autre construction
    Ce dernier point est important parce que la destination n’est pas exclusive. Autrement dit, dès lors que l’objet premier de la destination est respecté, il est possible de construire autre chose si et seulement cette seconde construction est compatible avec la première. C’est le Conseil d’Etat qui a été amené à clarifier ce point sur un permis de construire « hybride », portant à la fois sur une construction conforme à la destination ainsi que sur 20 logements sociaux.
    « un permis de construire portant à la fois sur l’opération en vue de laquelle l’emplacement a été réservé et sur un autre projet peut être légalement délivré, dès lors que ce dernier projet est compatible avec la destination assignée à l’emplacement réservé » (Conseil d’Etat, 20 juin 2016, Commune de Saint Denis, n° 368978).

Sur le calcul du Coefficient d’Emprise au Sol

Depuis le 24 mars 2014, la loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (ALUR) a modifié l’article L.123-1-5 du Code de l’urbanisme, en supprimant notamment le Coefficient d’Occupation des Sols (COS) : on parle désormais de Coefficient d’Emprise au Sol (CES). La question est de savoir si la surface d’un emplacement réservé vient grever la surface totale du terrain pour le calcul du CES.
🎓 La réponse est, comme souvent : « ça dépend » si l’emplacement réservé est cédé au bénéficiaire… :

  • S’il n’y a pas de cession
    alors toute la surface du terrain est prise en compte
  • S’il y a cession gratuite avec transfert des droits à construire
    alors toute la surface du terrain est prise en compte
  • S’il y a cession payante
    alors la surface réservée, et donc cédée à titre onéreux, est déduite.

En cas de cession / d’achat du terrain

Un ER doit impérativement être mentionné sur le compromis de vente, ainsi que sur l’acte de vente lors de l’acte de réitération devant notaire. Il peut néanmoins arriver que sur la promesse, aucun ER ne soit mentionné… mais qu’il fasse son apparition sur l’acte authentique. Au moment de la signature, attention donc à bien mesurer les impacts de cet ER car il sera difficile de faire ensuite machine arrière.

En cas de préemption du terrain

Si votre terrain grevé d’un emplacement réservé est également soumis au droit de préemption urbain (DPU) – comme 90 % des terrains en France – sachez que la souscription d’une Déclaration d’Intention d’Aliéner (DIA) ne change rien.
En clair, si l’administration renonce à préempter votre terrain, ça ne veut pas dire pour autant que la servitude disparaît : la servitude demeure toujours ! Même si l’administration en question est la bénéficiaire de la réserve. Dit autrement : tant que l’emplacement réservé n’est pas supprimé par l’une des procédures spécifiques décrites ci-après, il continue à exister.

En cas d’expropriation

En vue de la réalisation de gros ouvrages d’intérêts généraux, comme des routes, une Déclaration d’Utilité Publique (DUP) peut créer des emplacements réservés sur des parcelles existantes. Dans ce cas, les parcelles en question sont alors expropriées et il faut déterminer l’indemnité d’expropriation.
🤑 C’est le prix que la collectivité paie aux propriétaires pour récupérer leur parcelle. Différents textes permettent d’évaluer un bien exproprié mais ne vous méprenez pas : les négociations sont compliquées et les interprétations multiples, notamment sur la date de référence retenue pour l’évaluation du bien.

Sur les terrains à proximité

Si votre terrain se situe près d’un emplacement réservé, sachez enfin que le Conseil d’Etat a considéré qu’il appartient à l’autorité compétente de prescrire une distance minimale entre un emplacement réservé et une construction voisine. Il n’y a donc pas de règle gravée dans le marbre, tout est question d’appréciation et de spécificités locales.

Obtenir la suppression d’un emplacement réservé

🎉 Bonne nouvelle ! Il est possible pour le propriétaire d’obtenir la suppression d’un emplacement réservé. Il existe deux façons d’arriver à ses fins :

  • Modification du PLU
    Vous pouvez expressément demander à la mairie un changement du PLU afin de ne plus y faire figurer le terrain comme « réservé ».
    En perspective : des délais longs et peu de chances d’aboutir.
  • Procédure de délaissement
    Cette fois l’idée n’est pas de faire disparaître l’emplacement réservé, mais bien de « forcer » le bénéficiaire à activer l’option d’achat qu’il a posé sur cet emplacement. Vous pouvez ainsi adresser une mise en demeure au bénéficiaire de l’emplacement réservé afin qu’il acquière le terrain. C’est ce qu’on appelle une « procédure de délaissement ». 
    C’est une procédure relativement simple, qu’on vous explique tout de suite !
 

Lancer une procédure de délaissement

La mise en demeure d’acheter le terrain réservé est à adresser par le propriétaire du terrain en lettre recommandée avec accusé de réception, à la mairie du lieu de situation du bien, ou déposée contre décharge à la mairie concernée. La mairie doit ensuite se charger de la transmettre, le cas échéant, au réel bénéficiaire de la réserve (département, région) si ce n’est pas elle.

Deux issues possibles :

  • Accord amiable
    Suite à cette sommation, la collectivité dispose d’un an à compter de la réception de la mise en demeure pour se prononcer sur l’achat du bien.
    Si la collectivité accepte d’acquérir le bien et que les parties se mettent d’accord sur le prix, la vente est conclue. La collectivité est tenue de régler le prix du terrain au plus tard deux ans après la réception de la mise en demeure. Si la mairie ne veut pas acheter, ou garde le silence pendant 1 an, l’ER est privé d’effet. 
  • Règlement judiciaire
    En cas de désaccord et à l’expiration du délai d’un an à compter de la réception de la mise en demeure, le propriétaire du terrain ou le bénéficiaire de la réserve peuvent saisir le juge de l’expropriation. Son rôle est de fixer le prix du terrain et de valider le transfert de propriété.
    Le juge doit être saisi dans le délai de 3 mois après expiration du délai d’un an sous peine que le bien soit « déclassé ». En d’autres termes, le terrain n’étant plus un emplacement réservé, le propriétaire recouvre une totale liberté de jouissance et disposition : il peut donc effectuer tous les travaux et modifications qu’il souhaite.

👉 Attention, si vous avez obtenu la levée de la réserve sur votre emplacement réservé, il existe quelques subtilités juridiques qui peuvent alimenter les discussions : une parcelle délaissée devrait normalement entraîner une mise à jour irréversible du PLU / PLUi. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Conséquences : certains emplacements réservés au PLU peuvent en réalité constituer des réserves irrégulières. Les certificats d’urbanisme délivrés sont ainsi potentiellement litigieux puisqu’ils indiquent un ER qui, en réalité, a été délaissé.


👏 Voilà vous savez comment supprimer un emplacement réservé !

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